C'est un jour de juillet comme les autres. Les passagers défilent par vagues dans les galeries de l'aéroport. La circulation est assez fluide, et il n'y a pas trop de blocages de circulation… sauf au niveau arrivée du terminal 2F, devant le stand du CNOUS. Là, une centaine de jeunes boursiers se sont agglutinés, certains attendant au guichet que leur tour vienne, d'autres assis en cercle et prenant leur mal en patience.
Les accueillants sont sur les dents. Il leur faut s'occuper de tous ces étudiants étrangers qui viennent d'arriver et leur indiquer où ils doivent se rendre et par quel moyen. Ils restent calmes et souriants, mais c'est tout de même un dur moment de stress à passer jusqu'à ce que le dernier jeune ait été correctement aiguillé.
Christine Adiaba n'est pas de service, ce jour-là. Mais je l'ai vue à l'œuvre maintes et maintes fois, et admiré son sourire chaleureux et son attitude prévenante vis-à-vis de tous ces arrivants en terre de France.
Depuis combien de temps travaillez-vous au CNOUS, Christine?
Depuis 1981. Au début, nous étions au terminal 1. J'aimais bien cet emplacement, parce que l'ambiance était très familiale, là-bas. On se connaissait tous. On se parlait. A l'époque, on avait aussi des réunions œcuméniques au cours desquelles on partageait des repas avec le prêtre et l'aumônier protestant, après avoir lu la Bible et passé un moment ensemble dans le partage et la prière.
Est-ce que vous avez apprécié ce travail d'accueil des étudiants étrangers?
Oh oui, beaucoup. (le visage de Christine s'illumine) Ce que j'aime surtout, c'est être disponible pour les autres. Et puis, j'ai l'impression que, quand je rencontre les boursiers qui arrivent d'un autre pays, la confiance naît tout de suite. Il y a quelque chose qui passe entre nous dès le départ.
Vous les sécurisez?
Peut-être… (Christine sourit timidement) J'ai l'impression que les étudiants me considèrent un peu comme une mère… Comme la jeune femme que vous m'avez vue accompagner à la Poste hier. J'ai senti qu'elle me faisait tout de suite confiance. C'est un peu comme si on se connaissait depuis longtemps…
Christine, vous êtes très souriante: ça doit aider pour les contacts humains… Vous êtes aussi de confession catholique. Pensez-vous que votre foi y est pour quelque chose dans ce contact direct que vous avez avec les jeunes?
Oui, je crois que c'est essentiel. Ma foi me fait voir les gens d'un autre œil. Je les aime. A l'église, je reste souvent dans mon coin, et je prie toute seule parce que je suis très timide, mais dans mon travail, je sais aller vers les autres et les aider à se sentir à l'aise.
Dans un mois et demi, vous allez prendre votre retraite et quitter définitivement ce métier que vous avez beaucoup aimé. Que ressentez-vous en y pensant?
Ça va beaucoup me manquer. J'aime tellement mon travail ! (Christine est très émue, et son regard se fait nostalgique) Je suis très triste de devoir quitter ce travail et de ne plus voir tous ces jeunes…
Cela fait deux ans que je connais Christine. Il nous est arrivé de prier et de lire la Bible ensemble, en français et en anglais aussi. Christine est d'origine ghanéenne, et, bien qu'elle parle très bien le français, elle se sent parfois plus à l'aise dans la langue de Shakespeare.
Un jour, me raconte-t-elle, Fanta, une employée d'entretien de l'aéroport avait été chargée de vider un bureau et de jeter son contenu. C'était au moment où on faisait des travaux de rénovation au terminal 1, et que beaucoup de compagnies avaient déménagé au terminal 2. Elle avait trouvé une Bible en anglais que quelqu'un avait laissée là. Fanta était une musulmane respectueuse du livre saint des chrétiens. Au lieu de mettre cette Bible au rebut, elle avait pensé que cela me ferait plaisir, et elle me l'avait donnée.
Et Christine d'ajouter: A chaque fois que j'ouvre cette Bible, je pense à elle, qui est décédée peu de temps après.
Et dans un soupir: Ce travail va me manquer, vraiment me manquer…
Pasteure Anniel Hatton, aumônier protestant à Roissy-Charles de Gaulle