Une nouvelle version du "Notre Père"?

    Elle entre dans la chapelle du terminal Sud d'un pas décidé, traînant derrière elle une lourde valise surmontée d'un sac coloré.

   C'est bientôt l'heure de la pause-prière de midi 30, à Orly. Comme elle fait un rapide signe de croix en pénétrant dans les lieux, je vais me présenter, comme je le fais d'habitude auprès des catholiques qui pensent qu'ils vont pouvoir assister à la messe: "Je suis la pasteure Anniel Hatton, aumônier protestant de l'aéroport, et c'est moi qui anime la pause-prière aujourd'hui. Ce temps de recueillement est ouvert à tous. Vous êtes la bienvenue si vous voulez y participer..."

    Elle me répond avec assurance: "Bien sûr! C'est pour ça que je viens. Je l'ai entendu annoncer à la sono de l'aéroport."

    Et d'enchaîner d'un air combatif: "Vous les protestants, est--ce que vous avez vous aussi changé NOTRE "Notre Père"? Est-ce que vous êtes comme les catholiques et vous ne dites plus: "Ne sous soumets pas à la tentation"? Pourquoi est-ce qu'on nous change nos habitudes? Pourtant, il est bien dit..." Et de me réciter la version latine de cette prière...

   Elle est tout étonnée quand je lui explique que la version latine est déjà une traduction du texte grec du Nouveau Testament, et qu'il est toujours difficile de trouver la traduction exacte d'un mot ou d'une expression quand on passe d'une langue à l'autre.

   Et d'ajouter que, quand j'étais enfant, la traduction que mes parents m'avaient apprise pour cette demande particulière disait: "Ne nous laisse pas succomber à la tentation."

  Puis je lui pose la question: "Est-ce que vous avez l'impression de ne pas prier quand vous prononcez la nouvelle formulation: "Ne nous laisse pas entrer en tentation"?

   "Bien sûr que non!" rétorque-t-elle.

    Et la voilà qui s'assied avec détermination, prête à participer à la pause-prière...

                                                                                                               Anniel Hatton