Si j'avais à parler d'espérance, je parlerais d'Abraham quand il se met en route, nez au vent, sur la foi de celui qui l'appelle et le conduit. Je parlerais d'Abraham comme fils de Térah, réalisant finalement le projet de son père, lequel s'est arrêté en route; je parlerais d'Abraham comme époux de Sarah, la rieuse, l'envieuse, qui enfin se réjouit, avec toutes les autres femmes de la Bible, de l'enfant qui est lui est donné. Je parlerais aussi d'Abraham, père au couteau levé sur son fils au Moriah, au couteau retenu, couteau mémoire qui fait mal mais libère l'avenir.
Alors je parlerais encore de la blessure de Jacob, de cet accrochage nocturne avec son Dieu, par lequel il m'apprend que la bénédiction comme l'espérance, comme l'amour, s'arrachent de haute lutte!
Je parlerais de Moïse rescapé du fleuve et guide d'un peuple aveuglé par les larmes de l'esclavage puis par le mirage d'une liberté effrayante. De Moïse que Dieu fait mourir en pleine vision de la terre où il n'entrera pas, mais d'autres après lui.
Puis de Ruth la descendante d'une branche maudite, embrassant l'histoire nouvelle qui fera d'elle l'ascendante du roi David.
J'évoquerais toutes les personnes inconvenantes, toutes les folies des prophètes, tous leurs cris. Jusqu'à celui de Jean-Baptiste au désert!
Je me réjouirais avec le lépreux, le paralysé, les mères et pères implorant Jésus pour leurs enfants.
Je partagerais les hésitations et les peurs des disciples.
Plus vite qu'une pomme subissant la loi de la gravitation, je tomberais de mon arbre comme Zachée, affolé de joie, et je demanderais à Marthe de venir me donner un coup de main pour mieux recevoir Jésus le visiteur!
J'embrasserais le centurion romain pour sa parole au pied de la croix, je ne penserais plus à ce terrible sabbat que pour me souvenir de la stupéfaction des femmes au matin de Pâques, et du jardinier qui appelle Marie.
Si j'avais à parler d'espérance, je murmurerais à l'oreille du Fils de l'homme qu'il se presse un peu plus pour arriver de son avenir vers notre présent, je gémirais avec la création toute entière et je chanterais sur tous les tons "Quand votre cœur vous condamne, Dieu est plus grand que votre cœur!"
Si j'avais à parler d'espérance, je prendrais ma Bible à au moins dix mains, car bien plus que dans une lecture solitaire, c'est dans le feu des regards croisés, des paroles échangées, des histoires réentendues à voix haute que j'entends l'espérance.
Comme un crépitement dans l'histoire et dans le monde...